Document diffusé par la CARB
15/01/2004
Mauvais traitements infligés à Paskal Laizé: Jérôme Bouthier témoigne.
Dans un courrier daté du 10 janvier 2004, le prisonnier politique
breton Jérôme Bouthier confirme l'absence de soins pour son camarade
de détention Paskal Laizé et les mauvais traitements dont il est victime.
Ce courrier est parvenu à la Coordination Anti-répressive de Bretagne
le 15 janvier 2004.
"Paskal t'en a sûrement parlé, depuis deux ou trois mois, je suis dans
le même bâtiment que lui, et, plus précisément, je me situe à deux ou
trois cellules de la sienne. Nous pouvons donc nous voir
quotidiennement même si durant la semaine je ne peux pas toujours être
présent car je suis les cours de DEUG Lettres Modernes proposés par
l'université de Paris VII. Mais nous pouvons très souvent faire nos
"promenades" ensemble.
Si je te parle de cela, c'est aussi pour une chose bien précise...Me
voilà donc voisin de Paskal, ce qui fait de moi un témoin privilégié
de la manière dont l'administration le traite et le "soigne"(dans tous
les sens du terme). Je commence à bien connaître leur fonctionnement
car voilà plus de deux ans et trois mois que je subis la "geôle
française"; je connais sa manière de s'occuper des prisonniers,
notamment politiques, dont elle a la charge. Voilà ci-après ce que
j'ai vu, et vois chaque jour, à propos des (non)-soins donnés à
Paskal. comme tu le sais Klaod, Paskal a été victime quelques semaines
avant sa mise en détention, d'un accident de la route dont il est
sorti gravement blessé. Atteint aux jambes, il reste heureusement tout
à fait à la hauteur de la médecine. Médecine dont, théoriquement, les
prisonniers de l'Etat français peuvent bénéficier, au même titre que
tout un chacun.
Effectivement, depuis quelques années, les services hospitaliers sont
présents à l'intérieur des enceintes des prisons et sont (normalement)
indépendants de l'administration pénitentiaire. Ce faisant, les
prisonniers sont soignés à l'intérieur de la prison ou, le cas
échéant, les hôpitaux publics accueillent et soignent les prisonniers
dans leurs bâtiments. Mais voilà... l'administration pénitentiaire a
toujours le dessus vis-à-vis des médecins et infirmières/ers, en tout
état de cause le dernier mot.
Paskal subit depuis le début de son incarcération, non pas un simple
dysfonctionnement de la part de l'administration pénitentiaire, mais
une réelle volonté de le mettre hors de portée des soins dont il a
chaque jour de plus en plus besoin. Je vous assure être témoin direct
d'une mise en danger d'autrui. Bien sûr, Pascal ne subit pas une
torture physique directe, mais au final, au niveau éthique, il s'agit
bien de la même chose. Ainsi, dernièrement, les médecins soignant
Paskal lui ont prescrit le port de genouillères de soutien spéciales
afin d'atténuer ses douleurs mais aussi la "progression de l'usure
prématurée et rapide de ses genoux" (... en attendant une opération
chirurgicale qui serait faite "ultérieurement"...dernier mot qu'il
faut entendre par "dehors". Vous noterez la subtilité des sortes de
soins que peuvent recevoir les prisonniers: seuls les soins immédiats
et urgents dans le temps sont pris en compte... après c'est chacun
pour soi!). A cette première anomalie s'en greffe aussitôt une
seconde: le financement de ces genouillères est à la charge de Paskal.
Ces genouillères coûtent très cher et pascal n'a plus de ressources
financières puisque privé de liberté notamment de travailler ... (mais
cette bizarrerie a été palliée par la solidarité bretonne, il me
semble, via Skoazell Vreizh).
Ayant vers lui une autorisation des médecins (une ordonnance en
quelque sorte) avalisée pour l'administration pénitentiaire (!) (via
le chef de division ) Paskal fait donc acheter de l'extérieur ces
genouillères et tente de se les faire entrer par les voies officielles
du parloir. Voies toutes officielles qu'impénétrables puisque Paskal
n'aura pas ces genouillères: l'humeur d'un responsable des parloirs en
aura décidé ainsi. A ce jour, aucune raison n'a été donnée par ce
responsable sur les motivations de son refus. Aujourd'hui, Paskal
souffre de plus en plus de ses jambes. Lors des promenades, qui durent
environ une heure, Paskal (homme en pleine force de l'âge: 37 ans) est
contraint de faire de multiples arrêts afin de reposer ses genoux.
Idem lorsqu'il monte les escaliers: souvent, je le vois contraint de
faire des pauses pour monter jusqu'au ... deuxième étage!
Mais ce n'est pas fini, l'administration pénitentiaire a des
ressources que l'on n'ose même pas imaginer: elle réserve des perles
d'horreur qui font froid dans le dos. Ainsi, il y a quelques jours,
alors que Paskal et moi allions en "promenade", nous avons été priés
de présenter nos "cartes d'identification de détenu", chose qui nous
est très rarement demandé... et pour cause: cela fait si longtemps que
nous sommes maintenus en détention provisoire que tous les
surveillants nous connaissent et donc n'ont plus besoin de demander
notre identité. Toujours est-il que le hasard a fait que, pour ma
part, j'avais ma carte avec moi, Paskal, lui, l'avait laissée en
cellule. Voici la réaction des deux surveillants: "Hé, Laizé, allez
chercher votre carte... sinon, pas de promenade!" Surpris, nous
faisons remarquer aux deux surveillants qu'ils viennent d'appeler
Paskal par son nom, l'inutilité de la carte devient alors flagrante;
carte, en outre, totalement inutile pour une "promenade". Les deux
compères ne bronchent pas et insistent pour voir la carte de Paskal.
Je leur explique alors que Paskal souffre des jambes et que retourner
jusqu'à sa cellule représente un effort terrible pour lui.
J'obtiendrai pour réponse ... deux sourires! En près de trente mois de
détention, j'en ai vu des horreurs, mais là, j'avais vraiment envie de
vomir en les voyant. Ce qu'ils ont fait était purement gratuit. Pire,
en attendant Paskal, qui était donc retourné dans sa cellule chercher
sa carte (évidemment, je ne pouvais aller à sa place...), j'ai pu voir
deux autres détenus aller tout droit en promenade sans que leur carte
ne leur soit demandée. Quand Paskal reviendra avec sa carte... ils
daigneront à peine la regarder.
Je ne veux pas supplanter Paskal pour dire ce qui lui arrive, il le
fait très bien lui-même. A travers ce témoignage, j'ai juste voulu
apporter un regard extérieur à lui-même. Je t'avoue avoir été heureux
d'apprendre qu'Amnesty International s'était saisi de son dossier...
je n'ai pas parlé ici de l'hernie que Paskal a à son abdomen (sur le
côté), mais c'est exactement du même tonneau: il n'est pas soigné
alors qu'il le faudrait, et de manière urgente.
Voilà, Klaod... je ne sais pas si mon témoignage peut contribuer à
faire comprendre au monde de l'extérieur ce qui se passe ici, ce
qu'ils font de nous mais... il faut bien comprendre que c'est 24
heures sur 24. Mais attention, pas de confusion possible: notre moral
n'est absolument pas touché, leur travail de sape n'a aucun effet sur
nous; je puis t'assurer qu'ils se fatiguent inutilement."
Jérôme Bouthier
Prizoniad Politikel Breizhat
279 896 K 228/2
M.A.H.
42, rue de la Santé
75014 PARIZ
(France)
Infos : http://www.prizonidi.org
(fuer a.)